En rouge : Rio Madre de Dios
En violet : Rio Manu
En bleu : Rio Pantiacolla
En vert : Rio Nistron & Rio Pini Pini
En Jaune : la voie principale et les chemins incas

Confirmation par les témoignages amazoniens

Nous pouvons nous intéresser ici à la « Relacion de jornada y descubrimiento del rio Manu » que nous a laissé Juan Alvarez Maldonado après son exploration du fleuve Madre de Dios.

Une précision fondamentale s’impose :

La Relacion de Maldonado, a priori très claire, a pourtant été sujette à des interprétations extrêmement diverses, et donc, pour la plupart, fausses. Tout le problème vient du point de départ : Le récit commence par « A vingt-cinq lieues à l’est entre (dans le rio qu’il emprunte) la rivière paucarguambo par la gauche, qui descend des minaries où est le ynga ». A 25 lieues à l’est de quoi ? C’est là que le bas blesse : nombre d’éminents chercheurs, sachant que son expédition a été initiée depuis Cusco, ne se sont pas posés plus de questions et ont supposé que le point de départ de son récit était l’ancienne capitale Inca. Il faut dire à leur décharge qu’à l’est de cette dernière coule bien un rio que nous connaissons actuellement sous le nom de rio Paucartambo.

Mais les apparences sont trompeuses : le récit de Maldonado commence en fait à Pilcopata/Opatari, et voici pourquoi :

Paucartambo, le village ou le rio actuel, n’est pas du tout à 150km de Cuzco, même pas la moitié. Il n’entre dans aucune rivière à l’est de Cusco, et encore moins par la gauche puisqu’il coule du sud au nord de cette ville… Ensuite pour les espagnols l’Inca en 1569 n’était absolument pas aux sources de ce rio au sud de Cusco, mais complètement de l’autre côté au nord, à Vilcabamba fief officiel de la résistance, peu importe où on la localise précisément. Enfin, je défie quiconque (pour m’être moi-même arraché les cheveux un moment là dessus), de faire coïncider dans l’ordre les grandes rivières qui arrivent de droite et de gauche décrites tout au long du récit de Maldonado, et aussi les distances qui les séparent, même approximatives, et tout en gardant en tête que l’auteur si précis dans son récit n’aurait pas oublié un affluent important, avec la réalité du bassin du Madre de Dios en partant de Cusco.

Non, l’actuel rio Paucartambo n’est définitivement pas celui dont il est question dans la Relation de Maldonado. Et donc le point de départ du récit n’est pas Cusco. On le comprend aussi en étudiant comment s’est déroulée cette expédition :

Le vice-roi Lope García de Castro nomme Juan Alvarez Maldonado gouverneur d’une immense région allant de Opatari (citadelle inca du haut Madre de Dios) jusqu’à la mer du nord 350 lieues à l’est (océan atlantique) et 120 lieues au sud, ceci excluant les territoires de mojos réservés aux espagnols de Santa-cruz. C’est ainsi que Maldonado, interdit de se rendre comme tous les autres explorateurs à Mojos pour y rechercher les trésors des rumeurs, fut le tout premier européen à explorer le cours du Madre de Dios.

En 1567 il organise son expédition depuis Cusco : il réunit un certain nombre d’espagnols bien armés et d’indiens. Il se rend sur ses terres en passant par le village de Paucartambo, sur les contreforts de la cordillère du même nom, et descend par le rio Pilcopata, jusqu’à sa confluence avec les rio Tono et Coznipata (Piñi-Piñi), endroit où il fonde Santiago del Vierzo (ville actuelle de Pilcopata, fort Opatari inca).

Il y fait construire de nombreux canots en bois de balsa, et c’est de cette ville nouvellement fondée qu’il considère à juste titre que commence son exploration des terres inconnues du « rio Manu », puisque Opatari était connue des espagnols, était le point de départ de son gouvernement dans les capitulations, et se situe à la confluence des petites rivières qui forment ainsi le début d’un véritable fleuve navigable comme il l’indique.

Il part en mai 1569 pour explorer son nouveau territoire et découvrir les pays de Paititi et Mojos. Et vingt-cinq lieues à l’est plus loin… il voit déboucher dans le rio sur lequel il navigue, par la gauche, le premier affluent important : le rio Manu actuel. Qu’il appelle Paucarguambo. Selon le chercheur de Alfred Marston Tozzer (Harvard 1899), il est « impossible de mettre en doute que le Paucarguambo désigné soit le Manu, car de la Relation il se déduit que ce rio Paucarguambo est à proximité immédiate d’un lieu appelé Manu-pampa. » Il est très intéressant de noter qu’à partir de là, le rio sur lequel Maldonado navigue change soudain de nom, et s’appelle selon les indiens le « Magno ». Une mauvaise compréhension de la part de l’espagnol sans aucun doute, d’un nom qui devait s’apparenter à « Manu », et se prononce « mana-u ». Cela montre que pour les indiens, le rio Manu actuel était la source du Madre de Dios avec lequel il ne formait qu’une seule et même entité.

Il est également très intéressant de constater qu’en 1570 Maldonado écrit sans sourciller que le « Ynga » se trouve aux sources de ce rio. Il a probablement cru que ce dernier coulait depuis la cordillère de Paucartambo en faisant un large détour par la jungle, et c’est pour cela qu’il l’a nommé ainsi. Pour les indiens nous l’avons vu, il s’agissait du rio Manu, nom qu’il gardait plus en aval. Pour Maldonado, qui pensait comme tous les espagnols à l’époque que l’Inca en résistance se trouvait à Vilcabamba, et savait parfaitement que celle-ci se trouvait sur la cordillère de Paucartambo, rien de choquant. Sauf que le Manu ne prend pas du tout sa source dans cette cordillère, mais à Paititi. Où était bien l’Inca en réalité, quand il ne faisait pas de la figuration diplomatique à Vilcabamba. Partant de là, on peut sans mal comprendre que le malheureux Maldonado, probablement là encore induit en erreur par un traducteur à l’accent déplorable, a confondu « minas », les mines où est l’Inca, c’est à dire une très belle description et localisation de Paititi, avec « Minaries », le nom d’une tribu qui n’a jamais existé. Certains la rapprocheront des Manaries, mais ceux-ci sont cités plus loin, sans aucune faute. Cela reste une théorie, mais je souris en imaginant l’interprète indien prononcer « minassss » en trainant un peu trop… Si il avait compris le mot, cela aurait forcément attisé la convoitise du conquistador et il aurait remonté le Manu ! Je pense qu’il s’en est fallu d’un cheveu pour que Paititi soit découverte à cette occasion, et anéantie comme tout le reste de l’empire par les espagnols.

En tout cas, cela confirme encore une fois la localisation de Paititi, qui se trouve bien exactement aux sources du rio Paucargambo/Manu. Mieux, cela confirme que l’Inca s’y était bien retiré. Cependant, les mésaventures de Maldonado ne s’arrêtent pas là, et après être passé à un cheveu de la cité fabuleuse qu’il cherchait tant, il continua son périple :

« Cinquante lieues plus bas entre (dans le rio Magno) la rivière Cuchoa par la droite qui prend naissance dans les montagnes du Pérou dans les Andes de Cuchoa, et dans laquelle à sa naissance entrent les rivières cayane, sangaban et pule pule. Le cuchoa en entrant est une mer» On peut parfaitement reconnaître le rio Colorado actuel, qui en entrant dans le Madre de Dios est en effet très large. Au passage on note que Maldonado n’a pas consigné l’entrée par la droite du rio Azul, soit parce qu’il n’était pas assez important, soit parce que comme aujourd’hui il entrait dans le Madre de Dios à un endroit ou celui-ci est divisé en deux, et que l’explorateur a simplement navigué sur l’autre bras.

« Vingt lieues plus bas entre la rivière Guariguaca par la gauche, qui nait dans la province des yanagimes et des boca negras » (Le rio de los Amigos actuel) « huit lieues plus bas par la droite entre dans le Magno la rivière Parabre qui nait dans les montagnes de Carabaya » ( Imambari naissant dans la cordillère de Carabaya) « Douze lieues plus bas entre la rivière Zamo par la droite, par l’arrière des Toromonas qui nait dans les territoires des Aravaonas » (Tambopata, ceci étant confirmé par le Frère Nicolás Armentia se référant à des écrits franciscains de 1680 selon lesquels l’ordre religieux a pénétré dans la jungle au niveau de Sandia au sources du rio Tambopata, et est arrivé en territoire Araonas.) « Trentes lieues plus bas par la droite entre le Omapalcas » (Heath, là encore le rio de las Piedras venant de gauche n’a pas été vu à cause du large dédoublement du Madre de Dios à son embouchure).

Je doute que Maldonado soit allé plus loin, je pense qu’il a fait marche arrière et s’est établi à l’embouchure du Zamo, au point appelé aujourd’hui « Puerto Maldonado ». Garcilazo mentionne que les indiens les accueillent bien au début de leur voyage mais changent d’attitude quand ils arrivent chez les Toromonas : Maldonado et deux de ses compagnons furent capturés. Les Toromonas cités dans La Relación résident bien à l’embouchure de la rivière Zamo, et les Araonas ou Aravaonas étaient en amont de ce rio, conformément à ce qui est rapporté à leur sujet : sur la rive droite du Madre de Dios et « à quarante lieues de la Cordillera du Pérou est la province des Aravaonas et plus en aval est la province des Toromonas …» Maldonado a entendu parler de Paititi lorsqu’il a été retenu par les indiens Toromonas et leur cacique Tarano :

« Il y a d’immenses plaines de quinze lieues de large jusqu’à une haute crête neigeuse, qui semble similaire à celle du Pérou, selon les récits des Indiens. Les indigènes des plaines sont appelés corocoros et ceux de la montagne appelés pamaynos. De cette montagne ils disent qu’elle est très riche en métaux et est organisé comme un royaume semblable à celui du Pérou, avec les mêmes cérémonies (…) dans la province de Païtiti il ​​y a des mines d’or, d’argent et d’ambre en grandes quantités. Dans la cordillère neigeuse il y a beaucoup d’animaux comme ceux du Pérou, mais ils sont plus petits. Les indigènes sont vêtus de laine et ont aussi des pierres de cristal. »

De fait, on lui parlait bien du Pérou… Des plaines du Manu, de la cordillère de Pantiacolla, et derrière, des hauts sommets enneigés des Andes, uniques sur le continent. Des « minaries » qu’il avait ratées. Du peuple inca réfugié à Paititi avec le « Ynga ». Mais Maldonado, dans son euphorie exploratrice et ces fantasmes sur le grand vide qui s’étendait devant lui n’a pas envisagé une seconde que cette ville puisse se situer derrière lui, pour des raisons très logiques que nous verrons dans un autre chapitre.

Maldonado fut libéré, mais les deux autres,dont le frère Simon, restèrent deux ans, prisonniers. Le conquistador retourne a cusco chercher plus d’hommes, mais le mois de novembre rend la navigation difficile. Finalement, les survivants de l’expédition émergent de la jungle au sud de Cusco près de San Juan de oro, dans la province de carabaya. A Cusco Maldonado est réquisitionné pour servir comme chef de camp durant la campagne visant à mater les soit-disant derniers résistants de Vilcabamba, et pendant laquelle il écrit cette relation, en juillet 1572, afin d’obtenir l’autorisation de monter une seconde expédition. Celle-ci lui sera refusée par le vice-roi, décision dont il reste une lettre en témoignage, bien peu flatteuse à l’égard du conquistador jugé peu capable.

Le nom « Madre de Dios » viendrait d’une exclamation qu’aurait prononcé Maldonado en voyant quelque-chose qui lui a fait penser à la sainte vierge sur une rive du fleuve. C’est donc après tout peut-être elle qui, écoeurée des atrocités commises en son nom, a sauvé Paititi.

Le texte de Maldonado, bien qu’un peu oublié pendant un temps, a définitivement ajouté à la confusion et aux erreurs des espagnols au sujet de Paititi. Il est parfois repris par des chroniqueurs, qui par leurs interprétations le déforment encore un peu plus, conduisant à accentuer encore le mythe d’un Paititi dans les plaines de Mojos, sur les rives du Mamoré, dans le haut Guaporé, ou complètement perdu au cœur du continent de forêt dense, au bout du rio Madera…


En Jaune : la voie principale sur la cordillère de Paucartambo, et les chemins incas
En vert : Rio Nistron & Rio Pini Pini
En bleu : Rio Pantiacolla
En rouge : Rio Madre de Dios / Magno
En violet : Rio Manu / Paucarguambo
En fushia : Rio Colorado / Cuchoa
En orange : Rio de los Amigos / Guariguaca
En rose : Rio Imambari / Parabre
En turquoise : Rio Tambopata / Zamo
En Bleu foncé : Rio Heath / Omacalpa


D’autres témoignages viennent appuyer la thèse d’un accès important à Paititi par le Rio Manu :


Le Frère Juan de Odeja, dans une lettre de 1677 (reprise par Martua en 1906), rapporte que les Araonas et Toromonas devaient payer un tribut en or, argent, plumes et autres à l’empereur Inca. En allant à Cusco, donc probablement en passant par Opatari, dans la province de Paucartambo actuelle, ils ont vu une grande population d’incas qui leur ont dit que le Ynga avait été tué par les espagnols, et qu’ils fuyaient chez les Guarayos en passant par une plaine marécageuse à l’intérieur des terres, qui à mon sens serait le bassin du Manu actuel. Les Araonas auraient dit avoir vu dans les terres des Guarayos en question « des Incas dans une très grande population, et au milieu la maison de Apo, qui disent-ils est servi avec des plats d’argent et d’or et assis sur un banc en or, et les murs à l’intérieur de la maison de l’idole sont d’argent et d’or qui brille beaucoup. »

Les écrits du père Dominigo Alvarez de Toledo en 1661 (repris par le frère Revello Bovo en 1848) nous en disent plus sur la localisation de ces Guarayos à l’époque : le religieux est descendu à partir des hauteurs de Carabaya dans la forêt tropicale, a changé sa route et s’est dirigé vers le nord, et a ainsi atteint les Toromonas qui occupaient une vaste région entre les rivières Madidi et Madre de Dios. Il aurait ensuite suivit la même direction nord, mais on comprend qu’il s’est en fait dirigé vers l’ouest, car on le retrouve dirigeant une mission dans la zone de Paucartambo, et nous disant : « …en ce qui concerne le successeur de l’Inca qui a quitté Cuzco des Andes pour ladite ville de Païtiti, il n’y a aucun doute; parce que j’ai rejoint la Nation des Guarayos, qui étaient ceux avec lesquels il y est entré ». Ceci fait inévitablement penser au témoignage des Q’eros de Paucartambo.

Au regard de ces témoignages, je localise donc les terres des Guarayos dans la province de Paucartambo actuelle. La zone de Mameria, accessible par le Pini Pini, où l’Apo (Apu) Catinti est le sommet sacré, en ferait partie, mais apparemment on peut aussi atteindre leur territoire en faisant un détour par l’intérieur des terres, chemin plus plat mais marécageux, soit la zone du Manu, ce qui renvoie d’office à un peuple habitant Paititi. Comportant d’ailleurs elle aussi un sommet sacré, comme le dessin de Blas Valera le montre bien.


Enfin, comment ne pas citer parmi ces témoignages celui que le père jésuite Andrés Lopez adresse à Claude Acquaviva son supérieur dans une lettre découverte en 2001 par le chercheur Mario Polia dans les archives du Vatican : Au début de l’année 1576, quatre ans après la mort de Tupac Amaru, le père Andrés a été nommé dans la province de Willkapampa : on parle ici de Vilcabamba la vieille puisque les espagnols connaissaient alors son emplacement, et donc je suppose que la province en question comprenait au moins l’extrémité nord de la cordillère de Paucartambo, et les environs de Lacco, mais aussi probablement la basse zone de jungle au sud de Pantiacolla, car selon Mario Polia, le prêtre atteint cette zone en passant par « le fort inca de Opatari » (Vargas Ugarte 1963, vol. I: 162) « dans la terre des indiens guerriers » ce qui laisse clairement penser aux Antis / chuncos, ou même aux féroces Guarayos évoqués précedemment et localisés dans cette zone. On a d’ailleurs vu qu’un chemin découvert par G. Deyermeidjian remontait depuis les environs d’Opatari sur la cordillère de Paucartambo, et menait à Vilcabamba la vieille.

Je pense que c’est à cette occasion, que comme la lettre nous le dit il a converti une petite tribu indienne, qui adorait à son arrivée un bézoar, un calcul dur se formant dans la panse des cervidés, réputé aux quatre coins du monde pour ses vertus médicinales. Les ayant fait abandonner ce merveilleux objet pour la foi chrétienne en pleine période d’épidémie, le père Andrès les baptise. Quelque-uns de ces nouveaux chrétiens toutefois, révoltés par les exactions commises par les espagnols, décident de fuir vers un royaume « dont le nom est Paititi ». Le père Andrés offre à l’un d’eux un crucifix, puis quelques mois plus tard s’en retourne à Cusco où il vient d’être nommé Recteur du Collège jésuite (Novembre 1576), emportant avec lui le Bézoar qu’il remettra plus tard au Pape, ravi de ce cadeau qu’il revendra une fortune…

Quelques temps plus tard à Cusco reparaissent les trois ou quatre indiens qui avaient fui. Ils racontent alors au père Andrés une incroyable histoire : Quand ils sont arrivés au royaume de Paititi, dont le « roi est très puissant, et gouverne avec majesté une cour semblable à celle du grand turc. Son royaume est très riche, paré d’or, d’argent et de perles en quantités telles qu’ils les emploient dans les cuisines pour leurs pots et casseroles, comme nous utilisons le fer et d’autres métaux. », ayant appris qu’ils portaient la représentation du dieu des chrétiens, le roi curieux les a reçus. Quand il vit le crucifix le souverain se moqua longuement d’eux, et cracha même dessus. C’est alors que selon les indiens un miracle s’est produit : le crucifix a tourné la tête et a jeté alentour de terribles regards, faisant immédiatement se prosterner le roi et toute la cour, pendant des heures. Convaincus de la puissance du dieu des chrétiens, le roi fit construire une chapelle toute en or et en pierres précieuses pour y déposer le crucifix et l’adorer. Il demanda aux indiens de le mettre en contact avec quelqu’un qui pourrait lui en apprendre plus sur la foi chrétienne. C’est ainsi que les indiens se sont rendus à Cusco, où ils retrouvent le père Andrés.

On comprend ensuite qu’une rencontre a eu lieu, mais il n’est pas précisé où. Cusco me paraît improbable, aussi je pense à Opatari. Le roi de Paititi se fait baptiser par le Père Andrés, mais à ce moment là « il plu à Dieu de lui envoyer une fièvre qui l’a tué ». Avant de mourir, il promet cependant au Père jésuite de faire construire un collège, et une église en or massif, et ordonne à son fils unique et héritier, ainsi qu’aux quelques nobles qui les accompagnaient d’introduire la foi chrétienne à Paititi. Le père Andrés rapporte tout cela à son supérieur le Père Général lors de son voyage à Rome en 1582, suite à quoi sa Sainteté le Pape décide de lui confier la mission d’évangéliser Paititi. Mais le père Andrés lopez décédera lors de son retour de Rome, à Hispanola (Cuba) en 1585. Qu’est-il advenu de la mission ? Marco Polia n’a pas trouvé d’autres informations à ce sujet. Cependant, quelques années plus tard, le projet Jésuite secret visant à évangéliser Paititi refera surface, dirigé cette fois par Blas Valéra, comme nous l’avons vu.

De cette incroyable relation, nous tirons aussi quelques indices sur la localisation de Paititi : Elle se situerait « A côté de la province du Pérou » espagnol, qui à l’époque s’arrêtait non loin de Cusco, à la cordillère de Paucartambo, et on l’atteint « en 10 jours de marche ». Ceci correspondrait au chemin passant par Opatari, où les indiens ont dû en premier lieu chercher le Père Andrés, puis remontant le Pini-pini ou le rio Pantiacola, ce qui fait 200km en tout, soit 20km par jour.

Confirmation par les éléments sur le terrain

La concentration de sites incas et / ou pré-incas, sacrés ou utilitaires que nous avons noté du côté Andin de Paititi se retrouve également dans la zone de l’autre voie majeure d’accès à cette cité : La zone forestière, et en particulier, l’extrémité sud-est de la zone montagneuse de Pantiacolla.

Nous savons que les incas utilisaient cette voie de passage car Tupac Yupanki et ses armées parties de Cusco ont établit leur camp de base à Opatari (Pilcopata), qu’on peut considérer comme le lieu de naissance du Madre De Dios. Or en remontant depuis Pilcopata ou Atalaya voisine la rivière Piñipiñi puis son affluent le rio Nistron, on file tout droit vers Paititi. Si on ne l’atteint pas, on a accès à la cité par la vallée à l’est, peu accidentée.

Cette voie entre Paititi et Cusco semble avoir été importante. Au contraire de la voie haute parallèle que nous avons vue, sur la cordillère de Paucartambo, tout indique en effet que les environs de celle-ci étaient densément peuplés : La zone du pic sacré Apu Catinti en particulier, a été riche en découverte ces dernières années. Parmi elles, l’une des plus remarquables est la cité de Mameria, mise au jour en 1979 par Nicole et Herbert Cartagena, au nord du pic. Les sites de Choritia, Adumbaria, Chaku-Pangu, Niatène, Arete Perdido l’entourent et confirment le peuplement. Actuellement, quelques Machiguengas cueillent ici des feuilles de coca issues de plants qui pourraient être les descendants sauvages de ceux cultivées dans les temps anciens. Un chemin remarqué par G. Deyermendjian semble partir de cette zone pour remonter vers la voie principale sur la cordillère de Paucartambo, en passant par un marécage inhospitalier et un tambo abandonné appelé San Martin.

C’est également à proximité immédiate au nord-est de ce pic que le Père Juan Carlos Polentini, en se basant sur les témoignages des habitants de sa paroisse et sur ses propres recherches, situe une riche mine d’or, découverte par Pachacutec lors de son voyage dans la province du Madre de Dios, et qui serait si productive qu’elle serait en bonne partie à l’origine de l’or qui couvrait le Kurikancha à Cusco. L’exploitation se serait faite à la fois à ciel ouvert (l’or étant arraché de la montagne par une cascade) et en creusant la montagne. Le minerai aurait été convoyé par bateau sur le Nistron (maestron).

Il est intéressant de noter que cette thèse est accréditée par un autre chemin découvert par Gregory Deyermenjian qui remarque que près de la confluence du Nistron et du Piñipiñi se trouvent d’importantes plate-formes, et qu’un chemin relie d’ici la zone forestière à la voie principale qui parcourt les hauteurs de la cordillère de Paucartambo : Le chemin remonte vers le le sommet de Llaqtapata où se serait tenue une « église inca » dont quelques restes sont visibles, et par le site Inca Tasquina. Il remonte le rio Callanga le long duquel se trouvent des vestiges circulaires, et grimpe sur le mont Callanga, ou le chercheur a remarqué des plate-formes « d’une longueur exceptionnelle ». Le professeur Salustio Gutierrez rapporte que l’Inca fuyant les Espagnols aurait utilisé le mot Kallankan pour assurer à son peuple que, tôt ou tard il trouverait la ville cachée de Païtiti (Gutierrez s / f et 1984). Le chemin remonte enfin dans la forêt par le côté ouest de l’Apu Pitama et rejoint l’altiplano et la voie principale menant vers Cusco.

Évidemment, je ne pense pas un instant que l’affirmation du Père Polentini, qui assimile cette mine à Paititi, soit la bonne. Selon lui, c’est à cet endroit que les incas en fuite se seraient rendus, et c’est là qu’ils auraient caché leurs objets sacrés en or. Non, Paititi est plus loin au nord-est, comme les dizaines de preuves solides que j’apporte le confirment. Cependant, il est révélateur que ses sources locales, à qui leurs ancêtres avaient transmis cette idée pour y avoir travaillé, lui aient parlé de ce site comme étant Paititi. N’oublions pas que Paititi était un royaume, et qu’il était réputé avant toute chose pour ses richesses minières. Le lieu se situant à une soixantaine de kilomètres tout au plus de la cité, il est tout à fait possible qu’il ait fait partie de son royaume. Ce qui placerait probablement du même coup Mameria sur son territoire.


Continuons et terminons notre tour des chemins d’accès à Paititi, en repartant de Opatari/Pilcopata pour descendre un peu le Madre de Dios, puis remonter par son embouchure le rio Pantiacolla. Ce dernier est parallèle au Piñipiñi : tout comme lui, il remonte assez haut dans le massif semi-montagneux et sylvestre, et comme lui également il prend sa source non loin de Paititi, à une vingtaine de kilomètres tout au plus. Le trajet qu’il effectue me laisse penser qu’il s’agissait d’une voie importante d’accès à Paititi, et de communication de cette dernière avec les plaines de Mojos souvent mentionnées comme faisant partie du « royaume du seigneur de Païtiti »

En effet la rivière Pantiacolla comporte près de son embouchure un site fameux, connu sous le nom des « pyramides de Paratoari », qui ne sont en réalité que des formes naturelles. Cependant, il faut savoir que les incas avaient une vision la mature très particulière, les créations de cette dernière faisaient intimement partie de leur espace, et souvent, ils les retravaillaient légèrement pour les utiliser ou accentuer leur aspect sacré. On trouve dans les lagunes aux alentour de ces « pyramides » des centaines de mystérieux petits galets taillés en forme de cœurs…

C’est toutefois d’un autre site bien connu, situé sur un petit affluent de cette rivière, dont nous allons surtout parler ici : La fabuleuse paroi gravée de Pusharo.

A vrai dire au moment où j’ai écrit le paragraphe précédent, je ne m’étais jamais réellement penché sur les fameux pétroglyphes de Pusharo. Les nombreux chercheurs qui s’y sont intéressés ont au sujet de ces signes gravés des opinions très divergentes : création des Inca, pré-incas ou bien des peuples amazoniens, représentations astronomiques ou plutôt mythologiques, visions chamaniques, écriture en tocapus primitifs, ou véritable plan destiné aux voyageurs se rendant à Paititi… Pour ma part je ne les avais observés que rapidement, et ils m’avaient parus totalement incompréhensibles.


Cependant, à la lumière ma découverte de Paititi non loin, la théorie selon laquelle la falaise gravée de Pusharo serait une carte menant à cette cité me parut de plus en plus vraisemblable, étant donné son emplacement stratégique mentionné ci-dessus. Je m’étais résigné à simplement accréditer cette thèse en mentionnant les autres cas de ce type de pétroglyphes « indicateurs » dans la région, comme à Pangoa au nord ouest ou à Ocobamba.

Je trouvais également très parlant le fait qu’au début du siècle encore des anthropologues avaient pu noter que les Matsigenkas peuplant la zone venaient colorer certains tracés censés représenter des fleuves et chemins à l’aide de pigments végétaux dont ils se servaient aussi pour leurs peintures rituelles. Si fleuves et chemins il y avait parmi ces pétroglyphes, l’ensemble était donc forcément une carte, ou du moins un sans-blanc de carte. Placé là, elle ne pouvait mener qu’à Paititi.

L’archéologue français Thierry Jamin soutien également cette thèse. S’étant rendu à plusieurs reprises sur le site, il prétend même avoir déchiffré les symboles, et avoir trouvé Paititi en suivant cette carte. Le problème, c’est que l’endroit où il estime que cette cité se trouve n’est pas le bon. Certes, il est proche, à 10km environ, mais sur un massif différent. Etant donné tous les éléments que j’ai réunis, et la précision extrême des dessins de Blas Valéra qui ne représentent que « ma » montagne, je ne doute pas de mes résultats. Thierry Jamin avait donc du partir sur une bonne piste, mais se tromper quelque part, je devais au moins essayer de comprendre pourquoi.

Sans grand espoir, j’ai alors commencé à lire tout ce que j’ai pu trouver sur Pusharo, et à tenter de comprendre quelque chose aux centaines de symboles de l’immense paroi. J’allais renoncer devant l’immense complexité de la chose quand je me suis souvenu m’être trouvé souvent au cours de mes recherches dans le même désarroi, et qu’à chaque fois, la solution était en fait toute simple. Je suis donc reparti du départ : Si la paroi était adressée aux voyageurs venant parfois de très loin dans la forêt aussi bien qu’aux réfugiés de l’empire Inca, elle devait être facilement compréhensible. Les points de repères comme les rivières et les montagnes devaient forcément y figurer.

J’ai eu de la chance en tombant sur ce qui est, et de très loin, le meilleur relevé fait sur ce site. Son auteur n’est autre que Thierry Jamin, qui l’a publié sur son site Pusharo.com. Je me suis longuement interrogé pour savoir si je devais ou pas présenter cet élément ici. Cette paroi est plus qu’importante, j’ai le droit de l’étudier comme un autre, et je l’ai déchiffrée par mes propres moyens..

Je me serais cependant volontiers abstenu de dévoiler mes résultats ici pour lui laisser ce juste honneur. Ce qui me pousse à utiliser son travail, c’est qu’il a commis une erreur à la fin de son raisonnement, et donc que son résultat est faux. Si je publie mes conclusions sans traiter ce point, il sera le premier à arguer que je me trompe sur la base de ces mêmes relevés. Afin de ne laisser aucun doute sur l’exactitude de ma découverte, et par la même occasion de justifier ma remise en cause de ses conclusions qui peut paraître insolente, mais qui n’est que réaliste, je me permets donc de citer ici une petite partie de son travail scientifique sous la forme de ce relevé.

Je tiens cependant à m’incliner devant ce chercheur qui a été le premier à comprendre l’importance de cette paroi, et qui est peut-être le meilleur spécialiste au monde de Paititi. Son expertise et son dévouement pour la cause de cette cité en fait un atout indispensable pour la future étude du site.

Grâce à son relevé, pour la première fois je pouvais comprendre la vraie dimension du site, et son vrai agencement : (sur des dizaines de mètres)


J’ai l’avantage de savoir où sont Pusharo et Paititi. Dans l’optique d’une carte, la concentration de symboles importants à droite me fait penser qu’il s’agit de Paititi. La paroi étant à Pusharo, il m’a parut probable que ce point de départ soit donc situé sur la gauche. Et très vite en effet, deux symboles ont attiré mon attention :


Il s’agit des deux géoglyphes observés par Thierry Jamin aux abords du site de Pusharo, ce qui localise donc ce site sur la carte de manière évidente pour tous les voyageurs, qu’elle que soit leur langue.

C’est en constatant que le virage à droite finissant en « cul de sac » présent près de ces symboles correspondait parfaitement à la rivière passant effectivement au pied de la paroi de Pusharo sur Google Earth que j’ai compris une chose primordiale : les lignes qui émaillent la paroi ne sont aucunement, comme je le pensais jusque là, les failles du rocher, mais elles représentent les rivières, les fameux points de repères géographiques que je cherchais. Se pouvait-il que ça soit aussi simple ? J’oubliai alors les dizaines de symboles, et repassai ces lignes en rouge.


Je fus alors stupéfait de la correspondance. Absolument TOUT y est. Et avec une précision remarquable. C’est si précis que je me passerai de commentaires sur le tracé des rivières principales (rouge) qui sont visiblement aussi des chemins, car sinon elles sont représentées par une spirale suivie de petites vagues (bleu). Une grande barre rocheuse, qui constitue sur toute sa longueur une importante falaise, est indiquée par un tracé(violet)

Le petit « Y » rouge correspond en fait au point de rencontre de trois routes : une venant de l’extrémité de la cordillère de Paucartambo où nous avons vu que devait se trouver Vilcabamba, une venant de la « porte » de l’Amazonie comme je l’ai appelée au début de mes recherches, et donc à Paititi, la dernière branche pointe vers le bas, vers ce qui ressemble tout d’un coup, sur la paroi de Pusharo, au faubourg d’une ville bien plus immense encore que ce que je pensais. Regardez l’échelle… Le gros du site, qui commence aux deux tiers de la falaise, fait en tout 50km de long…

A y regarder de plus près, en fait même les petits chemins qui permettent la circulation dans les quartiers sont détaillés. Etant devenu assez bon pour retrouver les anciens chemins et les champs ou traces de bâtiments sur Google Earth malgré la végétation, cette fabuleuse carte m’a permis d’identifier en effet sur le terrain des centaines d’entre eux, en à peine quelques heures, ce qui en laisse présager beaucoup d’autres.


Tous les chemins que j’ai retrouvés sont là encore pensés de manière très logique : ils suivent en général les courbes du terrain pour ne pas avoir à trop monter et descendre, car le relief, qui ne paraît pas énorme de ce point de vue satellite, est en réalité assez vallonné. Certains chemins, cependant, grimpent inévitablement, en zigzagant.

En recherchant les tracés, je me suis aperçu que bon nombre d’éléments gravés représentaient non pas des symboles théoriques, mais une vraie réalité de terrain : ainsi les multiples petits escaliers ne sont rien d’autre que les chemins ascendants, qui montent en zigzag. Les nombreuses spirales doivent aussi avoir une signification du même type que j’ai encore du mal à identifier mais que je pense découvrir en passant un peu plus de temps à étudier le terrain.

Le grand « X » lui aussi correspond à une réalité de terrain : sur une grande falaise, deux énormes failles forment un « X » tout à fait identique, très visible, et donc un excellent point de repère.

Ayant trouvé une concentration de grandes plate-formes au sommet de la montagne voisine de Paititi, très haute et imposante, je pense que l’ovale divisé en petits losanges avec des points signale un fort important vu l’emplacement militairement stratégique, difficilement accessible. Les losanges et les points donneraient des indications sur la garnison. Mais ce n’est qu’une hypothèse.

D’autres symboles semblent représenter des unités de compte, démographiques peut-être, mais je pense aussi agricoles. En effet sur le dessin de Blas Valera, de ce côté opposé au barrage, on peut discerner un plant de maïs, et cet aspect se retrouve dans ce qu’à entendu Diego Alemán au sujet de Paititi. Les structures que j’ai retrouvées depuis le début, pour la plupart, semblent en effet par leurs dimensions plus correspondre à des murs entourant des champs ou des troupeaux qu’à des bâtiments. Cependant, j’ai trouvé dans un livre de Fernando Santos Granero la trace d’une relation de Martín Hurtado de Arbieto qui, parti de Huánuco au nord entre dans la forêt et découvre un étonnant bâtiment de… 525 mètres de large, avec 20 portes, où résident des Matsisgenkas.

Enfin, il me paraît presque certain que le reste des symboles représentent soit des bâtiments, soit des groupes humains (clans, ethnies, chefferies) étant donné leur répartition dans ce qui ressemble à des quartiers d’habitation desservis par des chemins.

Comme avec la carte jésuite représentant le Madre de Dios, en constatant l’incroyable correspondance des gravures avec la vue du ciel, on peut s’interroger. En fait, cela s’explique : l’essentiel des chemins et bâtiments sont construits à flanc de rocher plus ou moins abrupte. Il en va de même pour les rivières, qui sont en fait des torrents. Si bien que vu d’en bas, on devait avoir une vision assez proche de ce qui est représenté. Il en allait de même pour le bassin du Madre de Dios, vu du haut de la cordillère de Paucartambo.

Ce serait faire offense au génie cartographique des habitants de Paititi que de résumer leur art à cela, car on constate tout de même une réelle volonté de conceptualiser le terrain et d’élever le point de vue, surtout à gauche de la carte, mais vous allez comprendre que cette idée est extrêmement importante pour la suite.


Venons-en maintenant à ce qui nous intéressait de prime abord : J’ai jusque là volontairement mis de côté la représentation de Paititi, que voilà :


Il n’y a qu’en connaissant déjà Paititi qu’on peut vraiment comprendre ce dessin. En effet, si on continue à lire la carte comme précédemment, vue du ciel, la terre entourée d’eau (la montagne au cinq pics) semble n’être qu’assez peu densément peuplée, l’essentiel des symboles importants semblant se situer au delà. C’est exactement ce qu’a dû penser Thierry Jamin.

Connaissant parfaitement Paititi, et l’emplacement des enceintes sacrées dessinées par Blas Valéra, forcément synonymes de cœur de la cité, j’avais un point de vue différent. Dans un souci de réalisme, je pense que les premiers graveurs de Pusharo ont représenté cette boucle formée par la rivière à l’échelle et dans le même style que le reste de la fresque, vu du ciel. Mais cela posait un problème. Je me suis rappelé étant enfant, dessiner au stylo une bulle pour faire parler un personnage, puis me rendre compte que je n’avais absolument pas la place d’y écrire tout ce que je voulais lui faire dire. C’est exactement ce qu’il s’est passé : les très importants symboles qui devaient impérativement figurer à l’emplacement de Paititi ont débordé. C’est ainsi qu’on se retrouve avec le visage de profil du Grand Ancêtre (yaya, gran Candire, roi blanc, etc…) ou de l’Inca selon la paternité de la fresque, complètement sur la droite à l’extérieur de la boucle représentant la rivière, semblant donc être situé sur la montagne d’à côté. Sur celle où Thierry Jamin espère trouver Paititi.

On comprend tout en se rappelant que plus la carte avance, plus les graveurs ont représenté des flancs de montagnes peuplés vus d’en bas, et non une vue aérienne. Cette évolution atteint son paroxysme au bout de la fresque, à Paititi : En effet, une ligne importante, qui n’a rien a voir avec la réalité du terrain contrairement à toutes les autres, représente la crête de la montagne à cinq sommets, vue d’en bas. Afin de faire comprendre au voyageur qu’elle désigne en réalité ce qui est au centre de la boucle formée par la rivière, son tracé débute dans la boucle.

Surtout, on constate que sur la droite est bien représenté la vallée qui sépare notre montagne à cinq sommets de la montagne voisine : le promontoire abrupte formé par cette dernière est clairement identifiable.Thierry Jamin, même si l’autorisation qu’il attend depuis des années lui est enfin accordée, ne trouvera pas Paititi sur ce promontoire, qui ne comporte aucun symbole.


Voilà. On peut même voir une de ces spirales jointe à une série de petites vagues (en bas à droite) mais bien plus accentuée que les rivières précédemment mentionnées, et qui est exactement au bon emplacement pour représenter la retenue d’eau artificielle que nous avons envisagée. Un étrange petit « x » la côtoie, ce qui me laisse penser qu’il indique aux voyageurs le début du « chemin pavé de pierres noires » qui constitue l’accès principal à la ville haute, depuis cette lagune justement. J’ai essayé de trouver un angle de vue assez proche sur Google Earth, mais c’est compliqué :


Fait intéressant, les géoglyphes qui semblent être partout représentés sur la paroi de Pusharo ne comptent aucun des 12 immenses spécimens entourant Paititi d’après le dessin de Blas Valera, ce qui me fait penser que la fresque de Pusharo doit être antérieure à leur réalisation. Quant aux autres symboles mystérieux qui parsèment cette face de mon plateau… Et cette croix en haut de la paroi, j’avoue que je n’y comprends rien encore, mais avec un peu de temps qui sait…


Une vue d’ensemble de ma découverte :


Je pense qu’il serait très intéressant de creuser au pied de la paroi de Pusharo. En effet, la rivière qui la borde, suite à ses nombreuses crues, a enterré tout le bas de cette paroi sous plusieurs mètres de limon, comme en attestent les comptes rendus des premiers observateurs du site. Peut-être qu’y étaient indiqués d’autres sites occupés, situés au nord sur le haut bassin du Manu.

Conclusion

Nous pouvons conclure des voies d’accès et preuves présentées que les témoignages et rumeurs qui se transmettent de génération en génération dans les provinces au nord de Cusco sont fondés.
Après des siècles de recherches infructueuses, de négations académiciennes, de moqueries envers ceux qui croyaient à ce dernier refuge des incas qui y aurait survécu pendant une certaine période, je pense pouvoir affirmer que j’ai découvert la mythique cité de Paititi.

Mon travail prouve de manière tout à fait certaine l’existence de cette cité, par divers raisonnements valables indépendamment les uns des autres, et tous appuyés sur des données de terrain ou des documents d’époque . J’ai ainsi découvert l’emplacement précis de Paititi, et plus encore, donne un plan relativement complet de cette dernière. En publiant ces informations j’espère faire avancer la science, et pense être digne, de par la précision et le sérieux de mon travail, d’être reconnu comme l’inventeur de ce site.


La décision de publier le résultat de mon travail n’a pas été prise de gaieté de cœur, j’ai même tout fait pour éviter cela. Je suis en effet conscient qu’elle aura des conséquences importantes. Le document joint est destiné à expliquer quelles circonstances m’ont forcé à publier ma découverte.


Vincent Pélissier 2016

© Vincent Pélissier 2016


En rouge : Rio Madre de Dios
En violet : Rio Manu
En bleu : Rio Pantiacolla
En vert : Rio Nistron & Rio Pini Pini
En Jaune : la voie principale et les chemins incas

Confirmation par les témoignages amazoniens

Nous pouvons nous intéresser ici à la « Relacion de jornada y descubrimiento del rio Manu » que nous a laissé Juan Alvarez Maldonado après son exploration du fleuve Madre de Dios.

Une précision fondamentale s’impose :

La Relacion de Maldonado, a priori très claire, a pourtant été sujette à des interprétations extrêmement diverses, et donc, pour la plupart, fausses. Tout le problème vient du point de départ : Le récit commence par « A vingt-cinq lieues à l’est entre (dans le rio qu’il emprunte) la rivière paucarguambo par la gauche, qui descend des minaries où est le ynga ». A 25 lieues à l’est de quoi ? C’est là que le bas blesse : nombre d’éminents chercheurs, sachant que son expédition a été initiée depuis Cusco, ne se sont pas posés plus de questions et ont supposé que le point de départ de son récit était l’ancienne capitale Inca. Il faut dire à leur décharge qu’à l’est de cette dernière coule bien un rio que nous connaissons actuellement sous le nom de rio Paucartambo.

Mais les apparences sont trompeuses : le récit de Maldonado commence en fait à Pilcopata/Opatari, et voici pourquoi :

Paucartambo, le village ou le rio actuel, n’est pas du tout à 150km de Cuzco, même pas la moitié. Il n’entre dans aucune rivière à l’est de Cusco, et encore moins par la gauche puisqu’il coule du sud au nord de cette ville… Ensuite pour les espagnols l’Inca en 1569 n’était absolument pas aux sources de ce rio au sud de Cusco, mais complètement de l’autre côté au nord, à Vilcabamba fief officiel de la résistance, peu importe où on la localise précisément. Enfin, je défie quiconque (pour m’être moi-même arraché les cheveux un moment là dessus), de faire coïncider dans l’ordre les grandes rivières qui arrivent de droite et de gauche décrites tout au long du récit de Maldonado, et aussi les distances qui les séparent, même approximatives, et tout en gardant en tête que l’auteur si précis dans son récit n’aurait pas oublié un affluent important, avec la réalité du bassin du Madre de Dios en partant de Cusco.

Non, l’actuel rio Paucartambo n’est définitivement pas celui dont il est question dans la Relation de Maldonado. Et donc le point de départ du récit n’est pas Cusco. On le comprend aussi en étudiant comment s’est déroulée cette expédition :

Le vice-roi Lope García de Castro nomme Juan Alvarez Maldonado gouverneur d’une immense région allant de Opatari (citadelle inca du haut Madre de Dios) jusqu’à la mer du nord 350 lieues à l’est (océan atlantique) et 120 lieues au sud, ceci excluant les territoires de mojos réservés aux espagnols de Santa-cruz. C’est ainsi que Maldonado, interdit de se rendre comme tous les autres explorateurs à Mojos pour y rechercher les trésors des rumeurs, fut le tout premier européen à explorer le cours du Madre de Dios.

En 1567 il organise son expédition depuis Cusco : il réunit un certain nombre d’espagnols bien armés et d’indiens. Il se rend sur ses terres en passant par le village de Paucartambo, sur les contreforts de la cordillère du même nom, et descend par le rio Pilcopata, jusqu’à sa confluence avec les rio Tono et Coznipata (Piñi-Piñi), endroit où il fonde Santiago del Vierzo (ville actuelle de Pilcopata, fort Opatari inca).

Il y fait construire de nombreux canots en bois de balsa, et c’est de cette ville nouvellement fondée qu’il considère à juste titre que commence son exploration des terres inconnues du « rio Manu », puisque Opatari était connue des espagnols, était le point de départ de son gouvernement dans les capitulations, et se situe à la confluence des petites rivières qui forment ainsi le début d’un véritable fleuve navigable comme il l’indique.

Il part en mai 1569 pour explorer son nouveau territoire et découvrir les pays de Paititi et Mojos. Et vingt-cinq lieues à l’est plus loin… il voit déboucher dans le rio sur lequel il navigue, par la gauche, le premier affluent important : le rio Manu actuel. Qu’il appelle Paucarguambo. Selon le chercheur de Alfred Marston Tozzer (Harvard 1899), il est « impossible de mettre en doute que le Paucarguambo désigné soit le Manu, car de la Relation il se déduit que ce rio Paucarguambo est à proximité immédiate d’un lieu appelé Manu-pampa. » Il est très intéressant de noter qu’à partir de là, le rio sur lequel Maldonado navigue change soudain de nom, et s’appelle selon les indiens le « Magno ». Une mauvaise compréhension de la part de l’espagnol sans aucun doute, d’un nom qui devait s’apparenter à « Manu », et se prononce « mana-u ». Cela montre que pour les indiens, le rio Manu actuel était la source du Madre de Dios avec lequel il ne formait qu’une seule et même entité.

Il est également très intéressant de constater qu’en 1570 Maldonado écrit sans sourciller que le « Ynga » se trouve aux sources de ce rio. Il a probablement cru que ce dernier coulait depuis la cordillère de Paucartambo en faisant un large détour par la jungle, et c’est pour cela qu’il l’a nommé ainsi. Pour les indiens nous l’avons vu, il s’agissait du rio Manu, nom qu’il gardait plus en aval. Pour Maldonado, qui pensait comme tous les espagnols à l’époque que l’Inca en résistance se trouvait à Vilcabamba, et savait parfaitement que celle-ci se trouvait sur la cordillère de Paucartambo, rien de choquant. Sauf que le Manu ne prend pas du tout sa source dans cette cordillère, mais à Paititi. Où était bien l’Inca en réalité, quand il ne faisait pas de la figuration diplomatique à Vilcabamba. Partant de là, on peut sans mal comprendre que le malheureux Maldonado, probablement là encore induit en erreur par un traducteur à l’accent déplorable, a confondu « minas », les mines où est l’Inca, c’est à dire une très belle description et localisation de Paititi, avec « Minaries », le nom d’une tribu qui n’a jamais existé. Certains la rapprocheront des Manaries, mais ceux-ci sont cités plus loin, sans aucune faute. Cela reste une théorie, mais je souris en imaginant l’interprète indien prononcer « minassss » en trainant un peu trop… Si il avait compris le mot, cela aurait forcément attisé la convoitise du conquistador et il aurait remonté le Manu ! Je pense qu’il s’en est fallu d’un cheveu pour que Paititi soit découverte à cette occasion, et anéantie comme tout le reste de l’empire par les espagnols.

En tout cas, cela confirme encore une fois la localisation de Paititi, qui se trouve bien exactement aux sources du rio Paucargambo/Manu. Mieux, cela confirme que l’Inca s’y était bien retiré. Cependant, les mésaventures de Maldonado ne s’arrêtent pas là, et après être passé à un cheveu de la cité fabuleuse qu’il cherchait tant, il continua son périple :

« Cinquante lieues plus bas entre (dans le rio Magno) la rivière Cuchoa par la droite qui prend naissance dans les montagnes du Pérou dans les Andes de Cuchoa, et dans laquelle à sa naissance entrent les rivières cayane, sangaban et pule pule. Le cuchoa en entrant est une mer» On peut parfaitement reconnaître le rio Colorado actuel, qui en entrant dans le Madre de Dios est en effet très large. Au passage on note que Maldonado n’a pas consigné l’entrée par la droite du rio Azul, soit parce qu’il n’était pas assez important, soit parce que comme aujourd’hui il entrait dans le Madre de Dios à un endroit ou celui-ci est divisé en deux, et que l’explorateur a simplement navigué sur l’autre bras.

« Vingt lieues plus bas entre la rivière Guariguaca par la gauche, qui nait dans la province des yanagimes et des boca negras » (Le rio de los Amigos actuel) « huit lieues plus bas par la droite entre dans le Magno la rivière Parabre qui nait dans les montagnes de Carabaya » ( Imambari naissant dans la cordillère de Carabaya) « Douze lieues plus bas entre la rivière Zamo par la droite, par l’arrière des Toromonas qui nait dans les territoires des Aravaonas » (Tambopata, ceci étant confirmé par le Frère Nicolás Armentia se référant à des écrits franciscains de 1680 selon lesquels l’ordre religieux a pénétré dans la jungle au niveau de Sandia au sources du rio Tambopata, et est arrivé en territoire Araonas.) « Trentes lieues plus bas par la droite entre le Omapalcas » (Heath, là encore le rio de las Piedras venant de gauche n’a pas été vu à cause du large dédoublement du Madre de Dios à son embouchure).

Je doute que Maldonado soit allé plus loin, je pense qu’il a fait marche arrière et s’est établi à l’embouchure du Zamo, au point appelé aujourd’hui « Puerto Maldonado ». Garcilazo mentionne que les indiens les accueillent bien au début de leur voyage mais changent d’attitude quand ils arrivent chez les Toromonas : Maldonado et deux de ses compagnons furent capturés. Les Toromonas cités dans La Relación résident bien à l’embouchure de la rivière Zamo, et les Araonas ou Aravaonas étaient en amont de ce rio, conformément à ce qui est rapporté à leur sujet : sur la rive droite du Madre de Dios et « à quarante lieues de la Cordillera du Pérou est la province des Aravaonas et plus en aval est la province des Toromonas …» Maldonado a entendu parler de Paititi lorsqu’il a été retenu par les indiens Toromonas et leur cacique Tarano :

« Il y a d’immenses plaines de quinze lieues de large jusqu’à une haute crête neigeuse, qui semble similaire à celle du Pérou, selon les récits des Indiens. Les indigènes des plaines sont appelés corocoros et ceux de la montagne appelés pamaynos. De cette montagne ils disent qu’elle est très riche en métaux et est organisé comme un royaume semblable à celui du Pérou, avec les mêmes cérémonies (…) dans la province de Païtiti il ​​y a des mines d’or, d’argent et d’ambre en grandes quantités. Dans la cordillère neigeuse il y a beaucoup d’animaux comme ceux du Pérou, mais ils sont plus petits. Les indigènes sont vêtus de laine et ont aussi des pierres de cristal. »

De fait, on lui parlait bien du Pérou… Des plaines du Manu, de la cordillère de Pantiacolla, et derrière, des hauts sommets enneigés des Andes, uniques sur le continent. Des « minaries » qu’il avait ratées. Du peuple inca réfugié à Paititi avec le « Ynga ». Mais Maldonado, dans son euphorie exploratrice et ces fantasmes sur le grand vide qui s’étendait devant lui n’a pas envisagé une seconde que cette ville puisse se situer derrière lui, pour des raisons très logiques que nous verrons dans un autre chapitre.

Maldonado fut libéré, mais les deux autres,dont le frère Simon, restèrent deux ans, prisonniers. Le conquistador retourne a cusco chercher plus d’hommes, mais le mois de novembre rend la navigation difficile. Finalement, les survivants de l’expédition émergent de la jungle au sud de Cusco près de San Juan de oro, dans la province de carabaya. A Cusco Maldonado est réquisitionné pour servir comme chef de camp durant la campagne visant à mater les soit-disant derniers résistants de Vilcabamba, et pendant laquelle il écrit cette relation, en juillet 1572, afin d’obtenir l’autorisation de monter une seconde expédition. Celle-ci lui sera refusée par le vice-roi, décision dont il reste une lettre en témoignage, bien peu flatteuse à l’égard du conquistador jugé peu capable.

Le nom « Madre de Dios » viendrait d’une exclamation qu’aurait prononcé Maldonado en voyant quelque-chose qui lui a fait penser à la sainte vierge sur une rive du fleuve. C’est donc après tout peut-être elle qui, écoeurée des atrocités commises en son nom, a sauvé Paititi.

Le texte de Maldonado, bien qu’un peu oublié pendant un temps, a définitivement ajouté à la confusion et aux erreurs des espagnols au sujet de Paititi. Il est parfois repris par des chroniqueurs, qui par leurs interprétations le déforment encore un peu plus, conduisant à accentuer encore le mythe d’un Paititi dans les plaines de Mojos, sur les rives du Mamoré, dans le haut Guaporé, ou complètement perdu au cœur du continent de forêt dense, au bout du rio Madera…


En Jaune : la voie principale sur la cordillère de Paucartambo, et les chemins incas
En vert : Rio Nistron & Rio Pini Pini
En bleu : Rio Pantiacolla
En rouge : Rio Madre de Dios / Magno
En violet : Rio Manu / Paucarguambo
En fushia : Rio Colorado / Cuchoa
En orange : Rio de los Amigos / Guariguaca
En rose : Rio Imambari / Parabre
En turquoise : Rio Tambopata / Zamo
En Bleu foncé : Rio Heath / Omacalpa


D’autres témoignages viennent appuyer la thèse d’un accès important à Paititi par le Rio Manu :


Le Frère Juan de Odeja, dans une lettre de 1677 (reprise par Martua en 1906), rapporte que les Araonas et Toromonas devaient payer un tribut en or, argent, plumes et autres à l’empereur Inca. En allant à Cusco, donc probablement en passant par Opatari, dans la province de Paucartambo actuelle, ils ont vu une grande population d’incas qui leur ont dit que le Ynga avait été tué par les espagnols, et qu’ils fuyaient chez les Guarayos en passant par une plaine marécageuse à l’intérieur des terres, qui à mon sens serait le bassin du Manu actuel. Les Araonas auraient dit avoir vu dans les terres des Guarayos en question « des Incas dans une très grande population, et au milieu la maison de Apo, qui disent-ils est servi avec des plats d’argent et d’or et assis sur un banc en or, et les murs à l’intérieur de la maison de l’idole sont d’argent et d’or qui brille beaucoup. »

Les écrits du père Dominigo Alvarez de Toledo en 1661 (repris par le frère Revello Bovo en 1848) nous en disent plus sur la localisation de ces Guarayos à l’époque : le religieux est descendu à partir des hauteurs de Carabaya dans la forêt tropicale, a changé sa route et s’est dirigé vers le nord, et a ainsi atteint les Toromonas qui occupaient une vaste région entre les rivières Madidi et Madre de Dios. Il aurait ensuite suivit la même direction nord, mais on comprend qu’il s’est en fait dirigé vers l’ouest, car on le retrouve dirigeant une mission dans la zone de Paucartambo, et nous disant : « …en ce qui concerne le successeur de l’Inca qui a quitté Cuzco des Andes pour ladite ville de Païtiti, il n’y a aucun doute; parce que j’ai rejoint la Nation des Guarayos, qui étaient ceux avec lesquels il y est entré ». Ceci fait inévitablement penser au témoignage des Q’eros de Paucartambo.

Au regard de ces témoignages, je localise donc les terres des Guarayos dans la province de Paucartambo actuelle. La zone de Mameria, accessible par le Pini Pini, où l’Apo (Apu) Catinti est le sommet sacré, en ferait partie, mais apparemment on peut aussi atteindre leur territoire en faisant un détour par l’intérieur des terres, chemin plus plat mais marécageux, soit la zone du Manu, ce qui renvoie d’office à un peuple habitant Paititi. Comportant d’ailleurs elle aussi un sommet sacré, comme le dessin de Blas Valera le montre bien.


Enfin, comment ne pas citer parmi ces témoignages celui que le père jésuite Andrés Lopez adresse à Claude Acquaviva son supérieur dans une lettre découverte en 2001 par le chercheur Mario Polia dans les archives du Vatican : Au début de l’année 1576, quatre ans après la mort de Tupac Amaru, le père Andrés a été nommé dans la province de Willkapampa : on parle ici de Vilcabamba la vieille puisque les espagnols connaissaient alors son emplacement, et donc je suppose que la province en question comprenait au moins l’extrémité nord de la cordillère de Paucartambo, et les environs de Lacco, mais aussi probablement la basse zone de jungle au sud de Pantiacolla, car selon Mario Polia, le prêtre atteint cette zone en passant par « le fort inca de Opatari » (Vargas Ugarte 1963, vol. I: 162) « dans la terre des indiens guerriers » ce qui laisse clairement penser aux Antis / chuncos, ou même aux féroces Guarayos évoqués précedemment et localisés dans cette zone. On a d’ailleurs vu qu’un chemin découvert par G. Deyermeidjian remontait depuis les environs d’Opatari sur la cordillère de Paucartambo, et menait à Vilcabamba la vieille.

Je pense que c’est à cette occasion, que comme la lettre nous le dit il a converti une petite tribu indienne, qui adorait à son arrivée un bézoar, un calcul dur se formant dans la panse des cervidés, réputé aux quatre coins du monde pour ses vertus médicinales. Les ayant fait abandonner ce merveilleux objet pour la foi chrétienne en pleine période d’épidémie, le père Andrès les baptise. Quelque-uns de ces nouveaux chrétiens toutefois, révoltés par les exactions commises par les espagnols, décident de fuir vers un royaume « dont le nom est Paititi ». Le père Andrés offre à l’un d’eux un crucifix, puis quelques mois plus tard s’en retourne à Cusco où il vient d’être nommé Recteur du Collège jésuite (Novembre 1576), emportant avec lui le Bézoar qu’il remettra plus tard au Pape, ravi de ce cadeau qu’il revendra une fortune…

Quelques temps plus tard à Cusco reparaissent les trois ou quatre indiens qui avaient fui. Ils racontent alors au père Andrés une incroyable histoire : Quand ils sont arrivés au royaume de Paititi, dont le « roi est très puissant, et gouverne avec majesté une cour semblable à celle du grand turc. Son royaume est très riche, paré d’or, d’argent et de perles en quantités telles qu’ils les emploient dans les cuisines pour leurs pots et casseroles, comme nous utilisons le fer et d’autres métaux. », ayant appris qu’ils portaient la représentation du dieu des chrétiens, le roi curieux les a reçus. Quand il vit le crucifix le souverain se moqua longuement d’eux, et cracha même dessus. C’est alors que selon les indiens un miracle s’est produit : le crucifix a tourné la tête et a jeté alentour de terribles regards, faisant immédiatement se prosterner le roi et toute la cour, pendant des heures. Convaincus de la puissance du dieu des chrétiens, le roi fit construire une chapelle toute en or et en pierres précieuses pour y déposer le crucifix et l’adorer. Il demanda aux indiens de le mettre en contact avec quelqu’un qui pourrait lui en apprendre plus sur la foi chrétienne. C’est ainsi que les indiens se sont rendus à Cusco, où ils retrouvent le père Andrés.

On comprend ensuite qu’une rencontre a eu lieu, mais il n’est pas précisé où. Cusco me paraît improbable, aussi je pense à Opatari. Le roi de Paititi se fait baptiser par le Père Andrés, mais à ce moment là « il plu à Dieu de lui envoyer une fièvre qui l’a tué ». Avant de mourir, il promet cependant au Père jésuite de faire construire un collège, et une église en or massif, et ordonne à son fils unique et héritier, ainsi qu’aux quelques nobles qui les accompagnaient d’introduire la foi chrétienne à Paititi. Le père Andrés rapporte tout cela à son supérieur le Père Général lors de son voyage à Rome en 1582, suite à quoi sa Sainteté le Pape décide de lui confier la mission d’évangéliser Paititi. Mais le père Andrés lopez décédera lors de son retour de Rome, à Hispanola (Cuba) en 1585. Qu’est-il advenu de la mission ? Marco Polia n’a pas trouvé d’autres informations à ce sujet. Cependant, quelques années plus tard, le projet Jésuite secret visant à évangéliser Paititi refera surface, dirigé cette fois par Blas Valéra, comme nous l’avons vu.

De cette incroyable relation, nous tirons aussi quelques indices sur la localisation de Paititi : Elle se situerait « A côté de la province du Pérou » espagnol, qui à l’époque s’arrêtait non loin de Cusco, à la cordillère de Paucartambo, et on l’atteint « en 10 jours de marche ». Ceci correspondrait au chemin passant par Opatari, où les indiens ont dû en premier lieu chercher le Père Andrés, puis remontant le Pini-pini ou le rio Pantiacola, ce qui fait 200km en tout, soit 20km par jour.

Confirmation par les éléments sur le terrain

La concentration de sites incas et / ou pré-incas, sacrés ou utilitaires que nous avons noté du côté Andin de Paititi se retrouve également dans la zone de l’autre voie majeure d’accès à cette cité : La zone forestière, et en particulier, l’extrémité sud-est de la zone montagneuse de Pantiacolla.

Nous savons que les incas utilisaient cette voie de passage car Tupac Yupanki et ses armées parties de Cusco ont établit leur camp de base à Opatari (Pilcopata), qu’on peut considérer comme le lieu de naissance du Madre De Dios. Or en remontant depuis Pilcopata ou Atalaya voisine la rivière Piñipiñi puis son affluent le rio Nistron, on file tout droit vers Paititi. Si on ne l’atteint pas, on a accès à la cité par la vallée à l’est, peu accidentée.

Cette voie entre Paititi et Cusco semble avoir été importante. Au contraire de la voie haute parallèle que nous avons vue, sur la cordillère de Paucartambo, tout indique en effet que les environs de celle-ci étaient densément peuplés : La zone du pic sacré Apu Catinti en particulier, a été riche en découverte ces dernières années. Parmi elles, l’une des plus remarquables est la cité de Mameria, mise au jour en 1979 par Nicole et Herbert Cartagena, au nord du pic. Les sites de Choritia, Adumbaria, Chaku-Pangu, Niatène, Arete Perdido l’entourent et confirment le peuplement. Actuellement, quelques Machiguengas cueillent ici des feuilles de coca issues de plants qui pourraient être les descendants sauvages de ceux cultivées dans les temps anciens. Un chemin remarqué par G. Deyermendjian semble partir de cette zone pour remonter vers la voie principale sur la cordillère de Paucartambo, en passant par un marécage inhospitalier et un tambo abandonné appelé San Martin.

C’est également à proximité immédiate au nord-est de ce pic que le Père Juan Carlos Polentini, en se basant sur les témoignages des habitants de sa paroisse et sur ses propres recherches, situe une riche mine d’or, découverte par Pachacutec lors de son voyage dans la province du Madre de Dios, et qui serait si productive qu’elle serait en bonne partie à l’origine de l’or qui couvrait le Kurikancha à Cusco. L’exploitation se serait faite à la fois à ciel ouvert (l’or étant arraché de la montagne par une cascade) et en creusant la montagne. Le minerai aurait été convoyé par bateau sur le Nistron (maestron).

Il est intéressant de noter que cette thèse est accréditée par un autre chemin découvert par Gregory Deyermenjian qui remarque que près de la confluence du Nistron et du Piñipiñi se trouvent d’importantes plate-formes, et qu’un chemin relie d’ici la zone forestière à la voie principale qui parcourt les hauteurs de la cordillère de Paucartambo : Le chemin remonte vers le le sommet de Llaqtapata où se serait tenue une « église inca » dont quelques restes sont visibles, et par le site Inca Tasquina. Il remonte le rio Callanga le long duquel se trouvent des vestiges circulaires, et grimpe sur le mont Callanga, ou le chercheur a remarqué des plate-formes « d’une longueur exceptionnelle ». Le professeur Salustio Gutierrez rapporte que l’Inca fuyant les Espagnols aurait utilisé le mot Kallankan pour assurer à son peuple que, tôt ou tard il trouverait la ville cachée de Païtiti (Gutierrez s / f et 1984). Le chemin remonte enfin dans la forêt par le côté ouest de l’Apu Pitama et rejoint l’altiplano et la voie principale menant vers Cusco.

Évidemment, je ne pense pas un instant que l’affirmation du Père Polentini, qui assimile cette mine à Paititi, soit la bonne. Selon lui, c’est à cet endroit que les incas en fuite se seraient rendus, et c’est là qu’ils auraient caché leurs objets sacrés en or. Non, Paititi est plus loin au nord-est, comme les dizaines de preuves solides que j’apporte le confirment. Cependant, il est révélateur que ses sources locales, à qui leurs ancêtres avaient transmis cette idée pour y avoir travaillé, lui aient parlé de ce site comme étant Paititi. N’oublions pas que Paititi était un royaume, et qu’il était réputé avant toute chose pour ses richesses minières. Le lieu se situant à une soixantaine de kilomètres tout au plus de la cité, il est tout à fait possible qu’il ait fait partie de son royaume. Ce qui placerait probablement du même coup Mameria sur son territoire.


Continuons et terminons notre tour des chemins d’accès à Paititi, en repartant de Opatari/Pilcopata pour descendre un peu le Madre de Dios, puis remonter par son embouchure le rio Pantiacolla. Ce dernier est parallèle au Piñipiñi : tout comme lui, il remonte assez haut dans le massif semi-montagneux et sylvestre, et comme lui également il prend sa source non loin de Paititi, à une vingtaine de kilomètres tout au plus. Le trajet qu’il effectue me laisse penser qu’il s’agissait d’une voie importante d’accès à Paititi, et de communication de cette dernière avec les plaines de Mojos souvent mentionnées comme faisant partie du « royaume du seigneur de Païtiti »

En effet la rivière Pantiacolla comporte près de son embouchure un site fameux, connu sous le nom des « pyramides de Paratoari », qui ne sont en réalité que des formes naturelles. Cependant, il faut savoir que les incas avaient une vision la mature très particulière, les créations de cette dernière faisaient intimement partie de leur espace, et souvent, ils les retravaillaient légèrement pour les utiliser ou accentuer leur aspect sacré. On trouve dans les lagunes aux alentour de ces « pyramides » des centaines de mystérieux petits galets taillés en forme de cœurs…

C’est toutefois d’un autre site bien connu, situé sur un petit affluent de cette rivière, dont nous allons surtout parler ici : La fabuleuse paroi gravée de Pusharo.

A vrai dire au moment où j’ai écrit le paragraphe précédent, je ne m’étais jamais réellement penché sur les fameux pétroglyphes de Pusharo. Les nombreux chercheurs qui s’y sont intéressés ont au sujet de ces signes gravés des opinions très divergentes : création des Inca, pré-incas ou bien des peuples amazoniens, représentations astronomiques ou plutôt mythologiques, visions chamaniques, écriture en tocapus primitifs, ou véritable plan destiné aux voyageurs se rendant à Paititi… Pour ma part je ne les avais observés que rapidement, et ils m’avaient parus totalement incompréhensibles.


Cependant, à la lumière ma découverte de Paititi non loin, la théorie selon laquelle la falaise gravée de Pusharo serait une carte menant à cette cité me parut de plus en plus vraisemblable, étant donné son emplacement stratégique mentionné ci-dessus. Je m’étais résigné à simplement accréditer cette thèse en mentionnant les autres cas de ce type de pétroglyphes « indicateurs » dans la région, comme à Pangoa au nord ouest ou à Ocobamba.

Je trouvais également très parlant le fait qu’au début du siècle encore des anthropologues avaient pu noter que les Matsigenkas peuplant la zone venaient colorer certains tracés censés représenter des fleuves et chemins à l’aide de pigments végétaux dont ils se servaient aussi pour leurs peintures rituelles. Si fleuves et chemins il y avait parmi ces pétroglyphes, l’ensemble était donc forcément une carte, ou du moins un sans-blanc de carte. Placé là, elle ne pouvait mener qu’à Paititi.

L’archéologue français Thierry Jamin soutien également cette thèse. S’étant rendu à plusieurs reprises sur le site, il prétend même avoir déchiffré les symboles, et avoir trouvé Paititi en suivant cette carte. Le problème, c’est que l’endroit où il estime que cette cité se trouve n’est pas le bon. Certes, il est proche, à 10km environ, mais sur un massif différent. Etant donné tous les éléments que j’ai réunis, et la précision extrême des dessins de Blas Valéra qui ne représentent que « ma » montagne, je ne doute pas de mes résultats. Thierry Jamin avait donc du partir sur une bonne piste, mais se tromper quelque part, je devais au moins essayer de comprendre pourquoi.

Sans grand espoir, j’ai alors commencé à lire tout ce que j’ai pu trouver sur Pusharo, et à tenter de comprendre quelque chose aux centaines de symboles de l’immense paroi. J’allais renoncer devant l’immense complexité de la chose quand je me suis souvenu m’être trouvé souvent au cours de mes recherches dans le même désarroi, et qu’à chaque fois, la solution était en fait toute simple. Je suis donc reparti du départ : Si la paroi était adressée aux voyageurs venant parfois de très loin dans la forêt aussi bien qu’aux réfugiés de l’empire Inca, elle devait être facilement compréhensible. Les points de repères comme les rivières et les montagnes devaient forcément y figurer.

J’ai eu de la chance en tombant sur ce qui est, et de très loin, le meilleur relevé fait sur ce site. Son auteur n’est autre que Thierry Jamin, qui l’a publié sur son site Pusharo.com. Je me suis longuement interrogé pour savoir si je devais ou pas présenter cet élément ici. Cette paroi est plus qu’importante, j’ai le droit de l’étudier comme un autre, et je l’ai déchiffrée par mes propres moyens..

Je me serais cependant volontiers abstenu de dévoiler mes résultats ici pour lui laisser ce juste honneur. Ce qui me pousse à utiliser son travail, c’est qu’il a commis une erreur à la fin de son raisonnement, et donc que son résultat est faux. Si je publie mes conclusions sans traiter ce point, il sera le premier à arguer que je me trompe sur la base de ces mêmes relevés. Afin de ne laisser aucun doute sur l’exactitude de ma découverte, et par la même occasion de justifier ma remise en cause de ses conclusions qui peut paraître insolente, mais qui n’est que réaliste, je me permets donc de citer ici une petite partie de son travail scientifique sous la forme de ce relevé.

Je tiens cependant à m’incliner devant ce chercheur qui a été le premier à comprendre l’importance de cette paroi, et qui est sans aucun doute l’un des meilleurs spécialistes au monde de Paititi. Son expertise et son dévouement pour la cause de cette cité en fait un atout indispensable pour la future étude du site.

Grâce à son relevé, pour la première fois je pouvais comprendre la vraie dimension du site, et son vrai agencement : (sur des dizaines de mètres)


J’ai l’avantage de savoir où sont Pusharo et Paititi. Dans l’optique d’une carte, la concentration de symboles importants à droite me fait penser qu’il s’agit de Paititi. La paroi étant à Pusharo, il m’a parut probable que ce point de départ soit donc situé sur la gauche. Et très vite en effet, deux symboles ont attiré mon attention :


Il s’agit des deux géoglyphes observés par Thierry Jamin aux abords du site de Pusharo, ce qui localise donc ce site sur la carte de manière évidente pour tous les voyageurs, qu’elle que soit leur langue.

C’est en constatant que le virage à droite finissant en « cul de sac » présent près de ces symboles correspondait parfaitement à la rivière passant effectivement au pied de la paroi de Pusharo sur Google Earth que j’ai compris une chose primordiale : les lignes qui émaillent la paroi ne sont aucunement, comme je le pensais jusque là, les failles du rocher, mais elles représentent les rivières, les fameux points de repères géographiques que je cherchais. Se pouvait-il que ça soit aussi simple ? J’oubliai alors les dizaines de symboles, et repassai ces lignes en rouge.


Je fus alors stupéfait de la correspondance. Absolument TOUT y est. Et avec une précision remarquable. C’est si précis que je me passerai de commentaires sur le tracé des rivières principales (rouge) qui sont visiblement aussi des chemins, car sinon elles sont représentées par une spirale suivie de petites vagues (bleu). Une grande barre rocheuse, qui constitue sur toute sa longueur une importante falaise, est indiquée par un tracé(violet)

Le petit « Y » rouge correspond en fait au point de rencontre de trois routes : une venant de l’extrémité de la cordillère de Paucartambo où nous avons vu que devait se trouver Vilcabamba, une venant de la « porte » de l’Amazonie comme je l’ai appelée au début de mes recherches, et donc à Paititi, la dernière branche pointe vers le bas, vers ce qui ressemble tout d’un coup, sur la paroi de Pusharo, au faubourg d’une ville bien plus immense encore que ce que je pensais. Regardez l’échelle… Le gros du site, qui commence aux deux tiers de la falaise, fait en tout 50km de long…

A y regarder de plus près, en fait même les petits chemins qui permettent la circulation dans les quartiers sont détaillés. Etant devenu assez bon pour retrouver les anciens chemins et les champs ou traces de bâtiments sur Google Earth malgré la végétation, cette fabuleuse carte m’a permis d’identifier en effet sur le terrain des centaines d’entre eux, en à peine quelques heures, ce qui en laisse présager beaucoup d’autres.


Tous les chemins que j’ai retrouvés sont là encore pensés de manière très logique : ils suivent en général les courbes du terrain pour ne pas avoir à trop monter et descendre, car le relief, qui ne paraît pas énorme de ce point de vue satellite, est en réalité assez vallonné. Certains chemins, cependant, grimpent inévitablement, en zigzagant.

En recherchant les tracés, je me suis aperçu que bon nombre d’éléments gravés représentaient non pas des symboles théoriques, mais une vraie réalité de terrain : ainsi les multiples petits escaliers ne sont rien d’autre que les chemins ascendants, qui montent en zigzag. Les nombreuses spirales doivent aussi avoir une signification du même type que j’ai encore du mal à identifier mais que je pense découvrir en passant un peu plus de temps à étudier le terrain.

Le grand « X » lui aussi correspond à une réalité de terrain : sur une grande falaise, deux énormes failles forment un « X » tout à fait identique, très visible, et donc un excellent point de repère.

Ayant trouvé une concentration de grandes plate-formes au sommet de la montagne voisine de Paititi, très haute et imposante, je pense que l’ovale divisé en petits losanges avec des points signale un fort important vu l’emplacement militairement stratégique, difficilement accessible. Les losanges et les points donneraient des indications sur la garnison. Mais ce n’est qu’une hypothèse.

D’autres symboles semblent représenter des unités de compte, démographiques peut-être, mais je pense aussi agricoles. En effet sur le dessin de Blas Valera, de ce côté opposé au barrage, on peut discerner un plant de maïs, et cet aspect se retrouve dans ce qu’à entendu Diego Alemán au sujet de Paititi. Les structures que j’ai retrouvées depuis le début, pour la plupart, semblent en effet par leurs dimensions plus correspondre à des murs entourant des champs ou des troupeaux qu’à des bâtiments. Cependant, j’ai trouvé dans un livre de Fernando Santos Granero la trace d’une relation de Martín Hurtado de Arbieto qui, parti de Huánuco au nord entre dans la forêt et découvre un étonnant bâtiment de… 525 mètres de large, avec 20 portes, où résident des Matsisgenkas.

Enfin, il me paraît presque certain que le reste des symboles représentent soit des bâtiments, soit des groupes humains (clans, ethnies, chefferies) étant donné leur répartition dans ce qui ressemble à des quartiers d’habitation desservis par des chemins.

Comme avec la carte jésuite représentant le Madre de Dios, en constatant l’incroyable correspondance des gravures avec la vue du ciel, on peut s’interroger. En fait, cela s’explique : l’essentiel des chemins et bâtiments sont construits à flanc de rocher plus ou moins abrupte. Il en va de même pour les rivières, qui sont en fait des torrents. Si bien que vu d’en bas, on devait avoir une vision assez proche de ce qui est représenté. Il en allait de même pour le bassin du Madre de Dios, vu du haut de la cordillère de Paucartambo.

Ce serait faire offense au génie cartographique des habitants de Paititi que de résumer leur art à cela, car on constate tout de même une réelle volonté de conceptualiser le terrain et d’élever le point de vue, surtout à gauche de la carte, mais vous allez comprendre que cette idée est extrêmement importante pour la suite.


Venons-en maintenant à ce qui nous intéressait de prime abord : J’ai jusque là volontairement mis de côté la représentation de Paititi, que voilà :


Il n’y a qu’en connaissant déjà Paititi qu’on peut vraiment comprendre ce dessin. En effet, si on continue à lire la carte comme précédemment, vue du ciel, la terre entourée d’eau (la montagne au cinq pics) semble n’être qu’assez peu densément peuplée, l’essentiel des symboles importants semblant se situer au delà. C’est exactement ce qu’a dû penser Thierry Jamin.

Connaissant parfaitement Paititi, et l’emplacement des enceintes sacrées dessinées par Blas Valéra, forcément synonymes de cœur de la cité, j’avais un point de vue différent. Dans un souci de réalisme, je pense que les premiers graveurs de Pusharo ont représenté cette boucle formée par la rivière à l’échelle et dans le même style que le reste de la fresque, vu du ciel. Mais cela posait un problème. Je me suis rappelé étant enfant, dessiner au stylo une bulle pour faire parler un personnage, puis me rendre compte que je n’avais absolument pas la place d’y écrire tout ce que je voulais lui faire dire. C’est exactement ce qu’il s’est passé : les très importants symboles qui devaient impérativement figurer à l’emplacement de Paititi ont débordé. C’est ainsi qu’on se retrouve avec le visage de profil du Grand Ancêtre (yaya, gran Candire, roi blanc, etc…) ou de l’Inca selon la paternité de la fresque, complètement sur la droite à l’extérieur de la boucle représentant la rivière, semblant donc être situé sur la montagne d’à côté. Sur celle où Thierry Jamin espère trouver Paititi.

On comprend tout en se rappelant que plus la carte avance, plus les graveurs ont représenté des flancs de montagnes peuplés vus d’en bas, et non une vue aérienne. Cette évolution atteint son paroxysme au bout de la fresque, à Paititi : En effet, une ligne importante, qui n’a rien a voir avec la réalité du terrain contrairement à toutes les autres, représente la crête de la montagne à cinq sommets, vue d’en bas. Afin de faire comprendre au voyageur qu’elle désigne en réalité ce qui est au centre de la boucle formée par la rivière, son tracé débute dans la boucle.

Surtout, on constate que sur la droite est bien représenté la vallée qui sépare notre montagne à cinq sommets de la montagne voisine : le promontoire abrupte formé par cette dernière est clairement identifiable.Thierry Jamin, même si l’autorisation qu’il attend depuis des années lui est enfin accordée, ne trouvera pas Paititi sur ce promontoire, qui ne comporte aucun symbole.


Voilà. On peut même voir une de ces spirales jointe à une série de petites vagues (en bas à droite) mais bien plus accentuée que les rivières précédemment mentionnées, et qui est exactement au bon emplacement pour représenter la retenue d’eau artificielle que nous avons envisagée. Un étrange petit « x » la côtoie, ce qui me laisse penser qu’il indique aux voyageurs le début du « chemin pavé de pierres noires » qui constitue l’accès principal à la ville haute, depuis cette lagune justement. J’ai essayé de trouver un angle de vue assez proche sur Google Earth, mais c’est compliqué :


Fait intéressant, les géoglyphes qui semblent être partout représentés sur la paroi de Pusharo ne comptent aucun des 12 immenses spécimens entourant Paititi d’après le dessin de Blas Valera, ce qui me fait penser que la fresque de Pusharo doit être antérieure à leur réalisation. Quant aux autres symboles mystérieux qui parsèment cette face de mon plateau… Et cette croix en haut de la paroi, j’avoue que je n’y comprends rien encore, mais avec un peu de temps qui sait…


Une vue d’ensemble de ma découverte :


Je pense qu’il serait très intéressant de creuser au pied de la paroi de Pusharo. En effet, la rivière qui la borde, suite à ses nombreuses crues, a enterré tout le bas de cette paroi sous plusieurs mètres de limon, comme en attestent les comptes rendus des premiers observateurs du site. Peut-être qu’y étaient indiqués d’autres sites occupés, situés au nord sur le haut bassin du Manu.

Conclusion

Nous pouvons conclure des voies d’accès et preuves présentées que les témoignages et rumeurs qui se transmettent de génération en génération dans les provinces au nord de Cusco sont fondés.
Après des siècles de recherches infructueuses, de négations académiciennes, de moqueries envers ceux qui croyaient à ce dernier refuge des incas qui y aurait survécu pendant une certaine période, je pense pouvoir affirmer que j’ai découvert la mythique cité de Paititi.

Mon travail prouve de manière tout à fait certaine l’existence de cette cité, par divers raisonnements valables indépendamment les uns des autres, et tous appuyés sur des données de terrain ou des documents d’époque . J’ai ainsi découvert l’emplacement précis de Paititi, et plus encore, donne un plan relativement complet de cette dernière. En publiant ces informations j’espère faire avancer la science, et pense être digne, de par la précision et le sérieux de mon travail, d’être reconnu comme l’inventeur de ce site.


La décision de publier le résultat de mon travail n’a pas été prise de gaieté de cœur, j’ai même tout fait pour éviter cela. Je suis en effet conscient qu’elle aura des conséquences importantes. Le document joint est destiné à expliquer quelles circonstances m’ont forcé à publier ma découverte.


Vincent Pélissier 2016

© Vincent Pélissier 2016